Forts de l’appui de l’Organisation mondiale du commerce, les États-Unis ont décidé d'imposer des droits de douane sur une large palette de produits en provenance de l'Union européenne, pour un montant total de 7,5 milliards de dollars. Ces mesures incluent des droits de 10% sur les avions civils et de 25% sur d'autres produits industriels et des produits agricoles comme le scotch, le vin français ou le fromage.
Cécilia Malmström, commissaire européenne au commerce, a été claire: l’Union européenne ripostera au début de l’année prochaine, lorsque l’OMC statuera sur le différend relatif aux subventions américaines à Boeing.
À ce stade, les montants évoqués restent marginaux. Mais une escalade tarifaire entre l'Union européenne et les États-Unis se dessine-t-elle?
La menace est réelle. L'Union européenne et les États-Unis ne sont toujours pas parvenus à se mettre d’accord sur les produits concernés.
Bruxelles s'est ainsi opposé aux demandes américaines d'inclure les exportations agricoles. La France et l'Irlande craignent d'ouvrir leurs marchés respectifs à des produits agroalimentaires américains compétitifs. Et l'Union européenne continuera probablement à être réticente sur ce front si l’on en juge par la nomination récente de Phil Hogan, ressortissant irlandais de réputation protectionniste, au poste de nouveau commissaire européen à l’agriculture et au développement rural. De son côté, Washington n’accepte pas cette exclusion et menace d’imposer unilatéralement des tarifs élevés sur les exportations européennes.
Pour le président américain, l’enjeu est vital. Le déficit automobile du pays est de l’ordre de 200 milliards de dollars. Et lors de la campagne électorale de 2016, Donald Trump a promis de le réduire en renégociant l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) et en restreignant les importations automobiles en provenance du Japon et de l’Europe. Ces promesses étaient centrales à son programme et ont permis aux Républicains de s’ancrer dans la fameuse « Rust blet ». Il reste beaucoup à faire. L’ALENA a certes été renégocié, mais pour les constructeurs n’appliquant pas les nouveaux accords, la clause de « la nation la plus favorisée » s’applique automatiquement. Dans ce cas, la taxe est seulement de 2,5% et tout tarif supplémentaire doit être accompagné de compensations. Pour protéger efficacement les constructeurs américains tout en respectant les règles de l’OMC, il faut donc trouver une autre voie.
Le choix s’est porté sur la section 232 du Trade Expansion Act de 1962, qui autorise l’augmentation sans contrepartie des tarifs de la nation la plus favorisée lorsqu’il s’agit de sécurité nationale. Cette section a été utilisée en 2018 pour la défense de l’acier et de l’aluminium américains. Les Européens n’en ont pas accepté les termes et ont imposé en rétorsion des taxes sur 3,2 milliards de dollars d’acier, de véhicules à deux roues, de whisky et d’autres produits américains2.
Et maintenant? L’administration américaine a rendu une étude sur les risques que représentaient les importations automobiles pour la sécurité nationale. Le document, dont nous ne connaissons pas les conclusions, est sur le bureau de Donald Trump. Nous attendons sa décision.
Si la Chine accepte un accord partiel, il y a fort à parier que l’attention de Trump se porte sur le Vieux continent. Et le président américain pourrait en tirer des bénéfices. Tout d’abord, un accord avec la Chine permettrait d’éviter une récession et nourrirait sa réputation d’habile négociateur. Et surtout, une attaque contre l’automobile allemande le positionnerait de nouveau comme le grand défenseur des travailleurs de la «rust belt».
A court terme, l’impact sur l’économie allemande devrait être limité. Les exportations automobiles aux Etats-Unis représentent un montant de 26 milliards d’euros. La taxe avoisinerait 4 milliards d’euros. En admettant que les exportations de voitures baissent du même montant, le PIB allemand serait alors touché de 0,03%3. L’Ifo estime quant à lui l’impact à 0,16%, en incluant les effets indirects sur la chaîne de valeur. Rien de très alarmant, a priori.
Mais si l’Europe répond, et nous pensons qu’elle ne manquera pas de le faire, alors une escalade commencera, dont les effets sur le moral des entreprises et sur les exportations allemandes pourraient être dévastateurs. Et ceci depuis des niveaux plutôt faibles. Les exportations de voitures allemandes en direction des Etats-Unis sont en baisse de 2,7% sur un an.
Comments